Denali : Rencontre du 3ème type avec un grizzli

Ligne de crête Mont Eielson - Denali, Alaska

Ligne de crête Mont Eielson – Denali, Alaska

Localisation : Denali National Park & Preserve, Alaska
Nombre de jours : 4 jours/ 3 nuits
Unités parcourues : 12,13 et 18
Sommet gravi : Mont Eielson

The freedom and simple beauty of it is just too good to pass up.
(Christopher McCandless – Into The Wild)

La liberté c’est un chat qui vole. Ça n’existe qu’un bref instant, jusqu’à ce que le chat décide qu’il est mieux les pieds au sol que la tête en l’air. Beaucoup furent émus par la quête effrénée de liberté de Christopher McCandless, dans le film réalisé par Sean Penn : « Into The Wild« .  A la base, il y avait dans l’esprit de Christopher une seule idée : les étendues sauvages de l’Alaska. Dans la réalisation de son idéal de liberté, il se raccrocha pourtant aux barreaux de sa cellule. Considérons la fin de l’histoire :

  • Où mourut-il ? Dans un bus abandonné.
  • Comment le bus arriva t-il ici ? La dépose par hélicoptère semblerait un peu coûteuse. Non, le bus suivit tout simplement la piste du Stampede, et fut abandonné ici par la compagnie chargée de transformer la piste en route.

Voici donc un jeune homme libre de toutes contraintes devant l’immensité de l’Alaska, qui finit mort sur le bord d’une piste, dans un bus scolaire, à 30 km de la route principale. La liberté était décidément aussi difficile à assumer que le romancier qui raconta cette histoire était doué.

C’est donc à quelques encablures du « Magic Bus », dans le parc du Denali qu’on nous mit devant la difficulté abyssale d’être libre.

Contact Creek - Denali, Alaska

Contact Creek – Denali, Alaska

Le parc du Denali est divisé en secteurs qu’il est possible de réserver. Seul un petit nombre de personnes sont autorisées chaque jour dans un même secteur afin d’éviter qu’elles ne se rencontrent. Nous avions réservé quelques-uns des plus beaux secteurs du parc : les secteurs 12, 13 et 18. Les seuls instructions qu’on nous donna furent une carte topographique du secteur, et la règle suivante : « ne créez pas de sentier ! » Nous qui pestions sans arrêt contre les interdits divers, nous trouvions démunis devant si peu de règles.

« Vous êtes sûrs que vous n’avez pas envie de nous interdire un ou deux trucs là ? »

« Ça pourrait être sympa de nous obliger à passer par un sentier pour sauvegarder une quelconque espèce de lapin nain  albinos ! »

« Allez … il ne faut même pas camper à un endroit précis … ? »

Rien de tout cela, juste une carte et un secteur suffisamment large pour ne pas avoir à buter sur ses frontières. Au départ je me prenais à suivre Laetitia à la culotte alors que nous étions dans une vallée avec 50 mètres de chaque côté. Il fallut un gros effort de volonté pour réaliser qu’en l’absence de sentier, nous pouvions marcher côte à côte.

Quelle liberté que de ne fixer son itinéraire qu’en fonction des lignes de niveau. Nous traversions les rivières à gué, grimpions les collines à travers les buissons et dégustions en routes les myrtilles qui jonchaient le sol.

Ascension du Mont Eielson - Denali, Alaska

Ascension du Mont Eielson – Denali, Alaska

La première nuit fût passée dans la vallée, à « Contact Creek« . Après avoir atteint le col du mont Eielson, nous décidâmes de nous attaquer au sommet. La ligne de crête qui y menait était magnifique, et les modestes 1742 mètres du point culminant ne rendent pas justice à ce sommet qui reste l’un des plus beaux que j’ai gravi jusqu’alors. Une rapide descente dans le cours d’un ruisseau nous emmena jusqu’à Glacier Creek où nous passâmes la nuit.

Sommet du Mont Eielson - Denali, Alaska

Sommet du Mont Eielson – Denali, Alaska

Le lendemain, une fine pluie vint rafraîchir un temps déjà glacial. Alors que nous remontions le cours de « Glacier Creek » jusqu’au col Anderson, je me pris à observer avec étonnement une vache qui semblait courir étrangement vite. « Il n’y a pas de vache en Alaska » me direz vous. Bien que je ne vous remercie pas de m’avoir interrompu, je dois vous accorder que ce n’était pas une vache mais un grizzli. On imagine souvent les ours comme :

  • 1°/ Gentils (« Qu’il est mignon le gros nounours)
  • 2°/ Patauds
  • 3°/ Loin …
Grizzlis - Denali, Alaska

Grizzlis – Denali, Alaska

Celui ci était vraisemblablement belliqueux (il nous chargeait), beaucoup trop rapide à mon goût, et de plus en plus proche ! Son attaque n’était heureusement que du bluff, et il dévia sa course en voyant notre infaillible détermination (« lol », comme disent les jeunes dans le vent). Nous continuâmes notre chemin, en prenant soin de beugler suffisamment fort pour que tous les plantigrades à la rondes nous entendent.

Celui qui surgit au détour d’un ruisseau devait décidément être sourd car il trottinait dans notre direction sans nous avoir vu ni entendu. Nous décidâmes d’abandonner le col Anderson aux ours et de retourner à notre tente que nous avions planté un peu plus aval.

Réveil enneigé - Denali, Alaska

Réveil enneigé – Denali, Alaska

La pluie et le froid nous décidèrent à rentrer plus tôt que prévu, et la neige qui recouvrait notre tente le lendemain matin acheva de justifier notre décision.

Un ingénieur civil, chasseur de son état, nous prit en stop jusqu’à Fairbanks où nous achevâmes de ranger les doudounes et plier les duvets pour les latitudes (beaucoup) plus clémentes des îles d’Hawaï.